En visite au Burkina Faso, Michelle Bachelet plaide pour un appui international renforcé pour éviter une situation incontrôlable
Un appui régional et international renforcé pour éviter que la situation au Burkina Faso ne devienne incontrôlable.
A l’issue d’une visite de quatre jours au Burkina Faso, la cheffe des droits de l’homme des Nations Unies, Michelle Bachelet, a plaidé mercredi pour un appui régional et international renforcé pour éviter que la situation dans ce pays confronté à de multiples crises ne devienne incontrôlable.
« Le Burkina Faso est en proie non pas à une mais à plusieurs crises majeures et croisées, incluant des défis régionaux. Je veux profiter de ma visite pour encourager la communauté internationale à intensifier son appui pour aider à la résolution de cette situation sérieuse », a déclaré Mme Bachelet lors d’une conférence de presse à Ouagadougou.
« Le moment présent est décisif et offre l'occasion d'une action énergique, fondée sur les droits de l'homme et l'Etat de droit, pour éviter que la situation ne devienne incontrôlable », a-t-elle ajouté.
Elle a noté que les multiples défis ont de graves répercussions sur un large éventail de droits humains de la population.
« Des groupes extrémistes violents lancent de plus en plus d'attaques dévastatrices dans tout le pays, en particulier dans les régions frontalières du Mali et du Niger. Le changement climatique prive les agriculteurs et les éleveurs de leurs moyens de subsistance, entraînant une augmentation des conflits et affectant l'accès à l'eau, à la nourriture, à la santé et à l’éducation. La situation humanitaire, déjà difficile, s'est considérablement dégradée, avec plus de 3,5 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire », a-t-elle souligné.
Selon Mme Bachelet, la manière dont le pays fera face à ces défis sera déterminante pour son avenir.
Visite dans le nord-est du pays
Au cours de sa visite, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a rencontré plusieurs responsables gouvernementaux, dont le Président Kaboré. Elle s’est aussi rendue mardi à Dori, dans le nord-est du pays, dans la région du Sahel, où elle a pu s'entretenir avec les autorités locales, ainsi qu'avec des chefs religieux, des personnes déplacées, des réfugiés et des communautés d'accueil.
« J'ai découvert une résilience, une dignité et une intégrité incroyables face à des difficultés accablantes. Contraintes de fuir leurs maisons, ayant laissé derrière elles leurs terres et leurs moyens de subsistance, les personnes déplacées à l'intérieur du pays que j'ai rencontrées m'ont dit qu'elles étaient impatientes de trouver les moyens de gagner leur vie », a-t-elle expliqué. « Ces personnes, ainsi que le gouvernement local et les chefs religieux, ont fait part de leurs graves préoccupations concernant la détérioration de la situation sécuritaire ».
Elle a dit partager leurs inquiétudes. Selon le gouvernement, plus de 1,4 million de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays alors que l'on rapporte de plus en plus d'actes de violence horribles et d'autres violations des droits de l'homme par des groupes extrémistes violents.
Allégations d'exécutions sommaires, d'enlèvements et de violences sexuelles
Dans le contexte de cette situation difficile, il y a eu des allégations d'exécutions sommaires, d'enlèvements, de disparitions forcées et de violences sexuelles par des groupes extrémistes violents, des groupes de défense locaux, des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et les forces de sécurité et de défense nationales.
« Comme je l'ai souligné avec le Président Kaboré, il est essentiel que tous les auteurs de ces violations des droits de l'homme et de ces abus soient traduits en justice, quelle que soit leur affiliation, et qu'ils soient tenus responsables de leurs actes. Ce n'est jamais facile, mais c'est essentiel. Le droit au procès équitable doit être garanti pour tous. Dans ce contexte, nous avons également discuté des défis à relever pour que les personnes soupçonnées de terrorisme soient traduites en justice, conformément aux normes internationales », a dit Mme Bachelet.
« Nous avons également parlé de la nécessité de veiller à ce que toutes les forces de sécurité de l'État et les forces affiliées respectent pleinement le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire. Ces dernières années, mon bureau a travaillé dans les cinq pays du G5 Sahel pour aider la Force conjointe du G5 Sahel à mettre en place des mesures visant à garantir ce respect. Des efforts supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine. Et nous sommes prêts à apporter notre soutien, également au niveau national », a-t-elle ajouté.
Selon la cheffe des droits de l’homme, le respect du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire par les forces militaires et de sécurité est essentiel pour susciter la confiance de la population et pour garantir que la réponse de l'État, à ceux qui cherchent à le déstabiliser, reste solidement ancrée dans l'État de droit.
Elle s’est dit aussi très inquiète de l'augmentation des tensions intercommunautaires, en particulier en ce qui concerne la stigmatisation des Peuls. « Les dirigeants politiques et communautaires doivent travailler activement et prendre des mesures pour éviter que des communautés entières ne soient ciblées ou humiliées sur la base de leur affiliation supposée à l'extrémisme violent », a-t-elle dit.
Ecouter les voix des jeunes
Elle a également discuté avec le gouvernement de la situation des jeunes alors que 59% de la population totale est âgée de moins de 20 ans. « La pauvreté, le manque d'accès aux opportunités économiques et, dans certains cas, la discrimination et la marginalisation peuvent rendre les jeunes plus vulnérables à la radicalisation par des groupes extrémistes », a-t-elle rappelé.
Selon Mme Bachelet, il est plus important que jamais de créer un espace de dialogue constructif entre toutes les parties de la société, d'exprimer les griefs et d'amener la société civile à participer à l'élaboration conjointe de solutions aux nombreux défis auxquels le pays doit faire face. « Les voix des jeunes, des femmes et des communautés minoritaires sous-représentées seront essentielles à cet égard », a-t-elle dit.
Elle a estimé que la récente décision d'imposer une fermeture de l'Internet mobile pendant huit jours était « malheureuse » et envoyait « un mauvais message ». « Les coupures d'Internet affectent l'exercice de nombreux droits, dont bien sûr la liberté d'expression, mais aussi les droits des personnes à accéder aux moyens de subsistance, aux ressources éducatives, aux informations sur la santé et bien plus encore », a-t-elle souligné.